Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/338

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ment sa taille que le bourreau fut contraint de se hausser pour saisir les cheveux du patient.

— Ne me touche pas, homme immonde, cria Ta-Kiang, en saisissant le glaive.

Et lui-même, d’un seul coup, fut son propre exécuteur.

Yo-Men-Li poussa un désespéré soupir ; mais Ko-Li-Tsin criait :

— L’empereur de la Chine est mort ! glorieusement ! sur le champ de bataille ! et le Dragon l’emporte au pays d’en haut !

En ce moment deux vieillards, un homme et une femme, blêmes, mornes, tremblants, s’avancèrent vers le cadavre de Ta-Kiang. Ils tordaient leurs bras en silence. Des larmes glissaient sur leur visage dans le sillon des rides. Ils se penchèrent péniblement vers la tête du laboureur, dont le regard mort était terrible, et, la prenant dans leurs vieilles mains sèches et jaunies, douloureux, les yeux sanglants, ils l’emportèrent, avec effort, comme si toute leur douleur s’ajoutait au poids de ce fardeau, puis, chancelants, ils se perdirent dans la foule.

Alors une voix cria :

— Viens, jeune fille !

— Me voici, répondit Yo-Men-Li en se dirigeant vers le bourreau.

— Viens ici d’abord, reprit la même voix.

Et une main la saisit et l’entraîna vers la seconde chaise, qu’entourait une haie de serviteurs. On souleva les tentures, et l’Héritier du Ciel, horriblement blafard, se laissa voir, étendu sur des coussins.