Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/67

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les personnages illustres en se regardant l’un l’autre d’un œil fier. Et les pauvres gens n’ignorant point que les plus dures besognes sont d’ordinaire imposées aux plus humbles, se poussaient du coude en murmurant : « Qui frappera Kang-Shi ? »

— Qui frappera ? qui régnera ? répéta le Grand Bonze.

En ce moment un grand bourdonnement de voix et de pas se fit entendre, et d’une porte tout à coup ouverte jaillirent au milieu de l’assemblée, deux hommes furieux, les mains liées, et trébuchant et poussés par des bras brusques et nombreux.

— Voici des espions que nous avons surpris rôdant autour de la pagode, dirent ceux qui les poussaient.

Tous les assistants frissonnèrent. Plus d’un pâlit. Le Chef des Dix Mille Eunuques essaya de se dérober derrière son voisin, de sorte qu’un Chef de Troupe, en le suivant des yeux, pensa : « Celui-ci, un jour, pourra nous trahir. » Cependant le Grand Bonze étendit les bras et dit :

— Que craignez-vous ? Ces deux hommes vont être interrogés, et, si ce sont des espions, ils ne retourneront pas vers leurs maîtres. Qu’on les conduise dans la chapelle d’Amida ventru.

Les deux captifs, geignant et résistant, furent emportés, et le Grand Bonze, à pas lents, les suivit.

La moitié d’une heure s’écoula avant son retour. Quand il reparut, son front rayonnait comme celui d’un homme qui a subi la présence éclatante d’un dieu. Il alla s’agenouiller devant la statue de Fô et