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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

civiles absorbaient les forces de l’ennemi : mais les révoltés, les terribles Sourcils-Rouges ont été vaincus, l’empereur Kouan-Vou-Ti a tourné alors ses regards vers le Sud, et il a ordonné de reconquérir le beau pays des Giao-Gi qui fut si longtemps son vassal. À l’automne dernier la guerre s’est rallumée, guerre d’escarmouches, d’embuscade, de ruses et de fatigues sans fin. Je n’ai pas faibli ; l’automne et l’hiver ont passé, les Chinois n’ont rien gagné sur nous. Mais le sang de l’Annam s’épuise et le leur est intarissable ; nous sommes comme un lac en face de l’Océan. De funestes présages ont marqué le commencement du printemps : le soc de la charrue s’est brisé, tandis que, selon le rite, je creusais un sillon pour les premières semailles ; une sécheresse dévorante brûle les moissons et prépare la disette. Hélas ! les Dieux distraits ne me soutiennent plus, l’angoisse serre mon cœur, mes bras se brisent sous un poids trop lourd…

— Je serai ton rempart et ta force, s’écria Lée-Line, je le veux, et tu as bien prouvé, toi, que la volonté peut tout.

La mince fanfare sonna une alarme et les rideaux de la tente brusquement écartés, trois mandarins en armes parurent. C’étaient les ministres les plus fidèles, les plus braves : Koo-hoang, Nhat-ham et Hop-pho.

Fleur-Royale se leva fière et calme, le front intrépide :