Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/201

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Un bois de mimosas se présenta ensuite, et, dissimulée par les touffes d’arbres, Tahoser put s’avancer sans prendre autant de précautions. Elle était si près de Poëri, qu’elle craignait de perdre dans l’obscurité, que souvent les branches qu’il déplaçait lui fouettaient la figure ; mais elle n’y faisait pas attention : un sentiment d’ardente jalousie la poussait à la recherche du mystère qu’elle n’interprétait pas comme les servantes de la maison. Elle n’avait pas cru un instant que le jeune Hébreu sortît ainsi chaque soir pour accomplir quelque rite infâme et barbare ; elle pensait qu’une femme devait être le motif de ces excursions nocturnes, et elle voulait connaître sa rivale. La bienveillance froide de Poëri lui montrait qu’il avait le cœur occupé : autrement serait-il resté insensible à des charmes célèbres dans Thèbes et dans toute l’Égypte ? eût-il feint de ne pas comprendre un amour qui eût fait l’orgueil des oëris, des grands prêtres, des basilico-grammates, et même des princes de la race royale ?

Arrivé à la berge du fleuve, Poëri descendit quelques marches taillées dans l’escarpement de la rive, et se courba comme s’il défaisait un lien.

Tahoser, couchée à plat ventre sur le sommet du talus que dépassait seulement le haut de sa tête,