Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/271

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contractèrent ; il mordit violemment sa lèvre inférieure, où ses dents laissèrent des marques blanches, et il serra jusqu’à lui faire mal les doigts de la jeune fille qu’il tenait toujours ; puis il se calma et dit d’une voix lente et profonde :

« Quand tu auras vécu dans ce palais, au milieu de ces splendeurs, entourée de l’atmosphère de mon amour, tu oublieras tout, comme oublie celui qui mange le népenthès. Ta vie passée te semblera un rêve ; tes sentiments antérieurs s’évaporeront comme l’encens sur le charbon de l’amschir ; la femme aimée d’un roi ne se souvient plus des hommes. Va, viens, accoutume-toi aux magnificences pharaoniques, puise à même mes trésors, fais couler l’or à flots, amoncelle les pierreries, commande, fais, défais, abaisse, élève, sois ma maîtresse, ma femme et ma reine. Je te donne l’Égypte avec ses prêtres, ses armées, ses laboureurs, son peuple innombrable, ses palais, ses temples, ses villes ; fripe-la comme un morceau de gaze ; je t’aurai d’autres royaumes, plus grands, plus beaux, plus riches. Si le monde ne te suffit pas, je conquerrai des planètes, je détrônerai des dieux. Tu es celle que j’aime. Tahoser, la fille de Pétamounoph, n’existe plus. »