Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore se changer en serpent et s’enlacer autour de nous ! »

Tahoser avait-elle donc oublié Poëri en jetant ses bras au cou de Pharaon ? Nullement ; mais elle sentait sourdre dans cette âme obstinée des projets de vengeance et d’extermination. Elle craignait des massacres où se fussent trouvés enveloppés le jeune Hébreu et la douce Ra’hel, une tuerie générale qui cette fois eût changé les eaux du Nil en véritable sang, et elle tâchait de détourner la colère du roi par ses caresses et ses douces paroles.

Le cortège funèbre vint prendre le corps du jeune prince pour l’emporter au quartier des Memnonia, où il devait subir les préparations de l’embaumement, qui durent soixante-dix jours. Pharaon le vit partir d’un air morne, et il dit, comme agité d’un pressentiment mélancolique :

« Voici que je n’ai plus de fils, ô Tahoser ; si je meurs, tu seras reine d’Égypte.

— Pourquoi parles-tu de mort ? dit la fille du prêtre ; les années succéderont aux années sans laisser trace de leur passage sur ton corps robuste, et autour de toi les générations tomberont comme les feuilles autour d’un arbre qui reste debout.