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le second rang du collier

— Est-ce que vous aimeriez la musique ?…

— Jusqu’à présent, je crois que je ne l’aimais pas, répondis-je. Maintenant, c’est changé. Je veux jouer ce morceau…

M. Lafitte, très étonné et très intéressé, ne répondit rien ; il me regarda encore, puis s’assit au piano, et joua, d’un bout à l’autre, l’Invitation à la Valse. Je fus enthousiasmée de l’entendre exécutée ainsi en perfection ; mais cependant rien de nouveau ne me fut révélé ; je l’avais comprise à première vue, et tout à fait.

— Si vraiment vous aimez la musique, dit M. Lafitte, tout est à recommencer : nous pouvons jeter au feu nos anciens cahiers, et je vous guiderai désormais parmi les chefs-d’œuvre.

— Pourquoi ne me les avez-vous pas fait connaître plus tôt ?

— Je tiens la musique pour un art sublime et sacré, dit M. Lafitte gravement. Vous y montriez si peu de goût que je trouvais inutile de vous ouvrir le sanctuaire. Jusqu’à présent, je vous donnais des leçons pour faire plaisir à votre famille. Désormais, si votre nouvelle impression est sincère et durable, je serai heureux de vous initier à la musique. Ce serait vraiment singulier que cette aversion pour la musique quelconque eût été justement chez vous une intuition.

Il n’y eut pas de leçon ce jour-là. Mais, quand il revint, M. Lafitte nous apporta une gavotte