Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
le second rang du collier


J’avais promis à mon père de chercher à imaginer un sujet de nouvelle, et de le lui raconter, avant d’essayer d’écrire. Il me demandait souvent si j’avais enfin trouvé quelque thème original, ou qui me parût tel. Je croyais en tenir un, et je le développais longuement dans ma tête ; mais je n’en voulais pas parler avant d’être parvenue à conclure, ce qui ne fut pas facile. Quand je crus mon scénario bien d’aplomb, j’allai trouver mon père, et d’un air assez solennel, je lui demandai s’il avait le temps de m’écouter.

— J’ai le temps et je suis tout oreilles ! me répondit-il avec empressement, en s’agenouillant dans un grand fauteuil, ce qui était sa façon favorite de s’asseoir.

— Eh bien, voilà mon histoire :

« Un luthier très épris de son état, une sorte de Stradivarius fanatique, habite dans une ville d’Italie un vieux quartier assez désert ; il travaille sans relâche au perfectionnement des instruments de musique. Il rêve quelque chose d’extraordinaire, un violon idéal, unique, d’une délicatesse merveilleuse, expressif, comme s’il comprenait la musique dont il vibre : une voix, une âme, enfin !… Le luthier maniaque, réalise des chefs-d’œuvre, et cependant n’est pas satisfait. Pour choisir des bois incom-