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le second rang du collier

parables, il fait de lointains voyages et, une fois, risque sa vie en abattant lui-même un arbre qui penche au bord d’un abîme, où personne n’ose se risquer. Il veut cet arbre qui a grandi dans un frisson sonore, au bruit des torrents, sous la furie des tempêtes. Il s’imagine que le bois de cet arbre-là gardera peut-être mieux qu’un autre une sorte de conscience musicale.

« Dans le même temps, une cantatrice merveilleuse emplit de sa gloire toute l’Italie. Le luthier la suit de ville en ville et de théâtre en théâtre. Un jour, à Milan, il apprend qu’un jeune et riche seigneur, très amoureux de la cantatrice, va l’épouser et l’enlever à l’art. Le mariage est décidé ; mais, quelques jours avant les noces, la fiancée disparaît, sans qu’il soit possible de retrouver ses traces. L’amoureux la cherche éperdument pendant des mois, pendant des années, et, quand il a perdu l’espoir, il ne parvient pas à oublier.

« Un soir, entraîné par des amis dans une salle de concert, il entend un virtuose exécuter un morceau sur le violon. Il éprouve alors une émotion profonde, qui n’est causée ni par la musique ni par le talent de l’exécutant, mais par le son même du violon ; les battements de son cœur s’accélèrent, il est bouleversé comme s’il avait entendu la voix de la bien-aimée perdue.

« Le morceau terminé, il se précipite dans les coulisses et demande à voir le virtuose. Il veut à