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le second rang du collier

n’importe quel prix lui acheter ce violon ; mais l’artiste lui répond qu’il ne lui appartient pas et qu’il n’a pas le droit de le laisser toucher par qui que ce soit. Au même instant, un être singulier s’approche, qui saisit le violon d’un geste leste et impérieux, et le couche, avec d’amoureuses précautions, dans un étui de velours blanc. Le jeune seigneur s’adresse au nouveau venu et lui dit de fixer le prix qu’il exige pour lui céder ce violon. Mais l’homme singulier, qui est le luthier, l’artisan délicat, que son incomparable habileté dans la facture des instruments de musique a rendu célèbre, ne répond pas et s’éloigne, ou plutôt s’enfuit, en emportant le violon.

« Le jeune homme retrouve facilement le luthier monomane. Il va le voir dans sa boutique et le supplie de nouveau. Afin de l’attendrir, il finit par lui raconter son chagrin et son malheur ; il lui avoue que le son des cordes de ce merveilleux instrument, lui rappelle la voix de son amie, la diva si mystérieusement disparue. Mais, au nom de la cantatrice, le luthier pâlit et rougit, et ne peut cacher un trouble si étrange que le jeune homme en est tout saisi. Il essaie de l’interroger. Le bonhomme, redevenu maître de lui, ne répond plus, reste impénétrable, et finit par mettre l’intrus hors de sa boutique, où il se barricade.

« L’idée que cet étrange maniaque sait quelque chose de la bien-aimée, l’a enlevée sans doute et la