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le second rang du collier

Vers le milieu de la contredanse, les bonnes apportèrent le thé et posèrent le grand plateau sur la table placée dans le coin. Après le galop final, le piano se tut et on servit le thé ; mais les petites cuillers manquaient. Les bonnes, interpellées, affirmèrent les avoir données, avec le reste du service. On les chercha, mais on ne put les trouver nulle part.

Tout à coup Gustave Doré s’écria.

— Fermez la porte, et ne laissez sortir personne. Celui qui a mis, sans doute par distraction, l’argenterie dans sa poche, est prié de la restituer de bonne grâce ; sinon, on se verra forcé de le fouiller !

— Eh bien ! il en a, du toupet ! dit Robelin ; il nous prend pour des voleurs !…

— Si j’ai du toupet, vous ne manquez pas de cynisme ! riposta Doré avec gravité. Car vous ne pouvez nier ; je vous ai vu tout en dansant : c’est vous le coupable.

— Elle est forte, celle-là ! Fouillez-moi, criait Robelin, en riant aux larmes.

Mais, ô surprise ! c’était bien lui qui détenait les petites cuillers. Au milieu du fou rire général, on en tira de toutes ses poches !

Pendant les figures du quadrille, avec une dextérité d’escamoteur, Gustave Doré avait accompli ce bon tour, sans éveiller l’attention de personne, de prendre, une à une, les cuillers sur le plateau et de les faire passer où elles étaient maintenant.