Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
le second rang du collier

l’on s’y prend : une personne, debout, tient des deux mains, levé devant elle, un balai, en haut duquel, autour des crins, on a modelé avec des chiffons la tête de l’animal ; une autre personne, courbée en avant, suit la première en la tenant par les hanches ; on jette sur le tout une grande couverture grise, qu’on drape plus étroitement autour du manche de balai qui forme le cou. La tête de la personne debout figure la bosse, et une femme peut très bien s’asseoir sur le dos horizontal de la personne penchée.

La première fois que cette fantasmagorie s’avança, balançant le cou, portant une musulmane, cachée, moins les yeux, dans des voiles blancs, l’effet fut prodigieux. On crut vraiment qu’un vrai coursier du désert faisait son entrée dans le salon.

Quelquefois, Delaborde nous improvisait d’effroyables quadrilles, en défigurant les thèmes les plus sacrés des maîtres. Des motifs du Tannhäuser y paraissaient déjà.

Le vieil Érard carré avait été remplacé par un piano neuf, qui était en face du canapé rouge. Une table occupait la place laissée vide, dans l’encoignure, près de la fenêtre de la rue.

Un soir, M. Robelin était entré, et, debout, appuyé au chambranle de la porte, dont les deux battants étaient ouverts, nous regardait danser, en riant de bon cœur des fantastiques « cavalier seul » exécutés par Gustave Doré.