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le second rang du collier

invisibles qui s’appellent. Obéron vient d’emboucher son cor et la forêt magique s’ouvre, allongeant à l’infini des allées bleuâtres, se peuplant de tous les êtres fantastiques décrits par Shakespeare dans le Songe d’une nuit d’été, et Titania elle-même apparaît dans sa transparente robe de gaze d’argent…

Nul autre compositeur ne produisait sur lui une impression aussi profonde, et cette impression datait de loin, des années du romantisme : on représenta en 1835, à l’Opéra-Comique, Robin des Bois, qui avait été déjà donné à l’Odéon, en 1824. Mon père savait jouer sur le piano la célèbre valse de cet opéra : il avait dû beaucoup s’appliquer pour l’apprendre, mais il ne l’oubliait pas et l’exécutait, tout entière, dans un mouvement vif, non pas avec un seul doigt, mais avec le bon doigté et la basse. Nous étions ravies quand il consentait à nous la faire entendre. J’ai toujours la vision de ce rare tableau : Théophile Gautier, assis devant le clavier, un peu penché en avant, l’esprit tendu par une attention anxieuse et les regards sautant continuellement d’une main à l’autre. Il allait jusqu’au bout du morceau, sans jamais faire une seule faute. Quand il se relevait, très glorieux, il était bien embrassé et chaudement félicité.

Nous prenions aussi quelques leçons de dessin et de peinture d’un artiste de talent, Auguste Herst, aquarelliste de premier ordre, que mon père appréciait beaucoup.

Mais l’arrivée du Chinois Ting-Tun-Ling et la