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le second rang du collier

découverte de la Chine m’apportèrent des occupations nouvelles.

Ting était maintenant de la maison : sa mince silhouette, dans sa robe bleue et sa veste noire, sa figure malicieuse, aux yeux demi-clos, sous sa calotte de satin, que, selon le rite, il n’ôtait jamais, nous étaient devenues familières et ne nous présentaient plus rien d’insolite ; l’exilé s’harmonisait avec les êtres et nous manquait lorsqu’il était absent. Il n’habitait pas cependant sous notre toit ; on lui avait trouvé une petite chambre rue des Mauvaises-Paroles, située dans le bout populeux de la rue de Longchamp. Mais il était là au déjeuner, et, tout de suite après, nous nous plongions dans l’étude des grimoires chinois.

« Bœuf en Chambre » me fit cadeau d’un dictionnaire chinois-français, un grand in-folio que j’ai toujours. Il avait été publié en 1813, sur l’ordre de Napoléon, par le Père de Guignes. Très imparfait au point de vue pratique, il est remarquable comme typographie ; les caractères chinois, de deux centimètres carrés, sont très élégamment gravés ; l’édition est devenu rare. Il était d’un maniement laborieux et nous l’appelions, pour rire : « Le dictionnaire de poche. »

Tout de suite je voulus lire les poètes et essayer de les traduire. Je commençai à réunir les matériaux de la première version du Livre de Jade, que « Judith Walter » publia bientôt. Pour réaliser ce