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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/222

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le second rang du collier

impérial. Ce ne fut que le troisième jour après son arrivée que Théophile Gautier put se présenter devant ses hôtes. Il avait été obligé de se dire souffrant et de rester confiné dans sa chambre où il se morfondait. L’empereur ne manqua jamais, quand mon père venait le saluer, de lui demander s’il était bien remis de cette indisposition.

Ce séjour à Compiègne plut à mon père : le château luxueux, les beaux horizons, la vie raffinée et sans heurts, si bien abritée des ennuis et qui roulait comme sur un tapis de velours, lui semblait l’existence normale, qui seule pouvait permettre à la flamme de l’esprit de donner l’éclat complet de sa lumière, tandis qu’elle vacille sans cesse, aux cahots de la route et à tous les vents des soucis.

Il nous raconta l’ordre des journées, qui laissait aux invités beaucoup d’heures de liberté : la matinée était à eux ; les souverains paraissaient au déjeuner, puis ils se retiraient et chacun faisait ce qu’il voulait. Le plus souvent, par groupes sympathiques, on s’en allait en excursion dans les environs : des voitures étaient toujours prêtes et à la disposition des invités. Au dîner, il fallait être en tenue ; la soirée se prolongeait et s’achevait en bal. Ce qui, par exemple, n’était pas très babylonien ni sardanapalesque, disait mon père, c’est qu’on dansait aux sons d’un orgue de Barbarie ; même il n’y avait pas une personne spéciale pour