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le second rang du collier

pique-nique. Mais, avant de convenir des dernières dispositions, Dardenne avoua qu’il avait laissé à la porte de la maison, dans le fiacre où elle devait bien s’ennuyer, « une jeune personne » ; — sa fille peut-être ? — En nous récriant de ne pas l’avoir su plus tôt, nous courûmes, ma sœur et moi, chercher l’abandonnée :

— Venez, mademoiselle… C’est très mal d’être restée si longtemps en pénitence.

Elle entra dans le salon.

— Madame Dardenne de la Grangerie, dit Dardenne en la présentant ; elle est si jeune, si frêle, à côté de moi surtout, que j’hésite souvent à avouer qu’elle est ma femme.

On eût dit, en effet, un gamin déguisé en fille. Le visage, fin et joli, montrait pourtant une certaine gravité pensive ; les cheveux noirs et la robe sombre, toute simple, sans le moindre bout de col ou de dentelle, formaient un cadre sévère au teint uni et légèrement doré.

Avec une assurance tranquille, elle salua mon père et lui serra la main, regarda toutes choses autour d’elle de l’œil curieux d’un oiseau.

Tin-Tun-Ling était debout, près du gros dictionnaire, dans notre coin habituel du salon ; il s’inclina devant la visiteuse, qui, l’ayant pris peut-être pour une potiche, eut un sursaut de surprise :

— Monsieur est Chinois ?…

Je lui expliquai, sans penser l’étonner le moins