Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/255

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VIII


Qui donc avait eu l’idée, funeste, de donner à ma mère des graines de vers à soie ?… Je crois bien que c’était sa sœur Carlotta, qui, depuis longtemps retirée à Genève dans un beau domaine, s’était sans doute amusée à jouer à la magnanarelle. Mais ma mère prenait la chose très au sérieux, et fondait sur la culture des vers à soie, l’espérance de gains importants.

Sur un papier blanc, qui recouvrait un plateau de moyenne taille, on avait éparpillé les graines noires ; elles se muèrent, un jour en quantité, de tout petits bouts de fils, qui grouillaient. Il y avait deux jeunes mûriers dans le jardin : ils fournirent les quelques pousses tendres, nécessaires aux nouveaux éclos, qui, tout d’abord, ne mangèrent que la pulpe, ajourant les feuilles comme de la dentelle. Bientôt ils grossirent à vue d’œil, débordèrent le plateau ; on leur fit place sur toutes les tables, et il fallut courir, à travers Neuilly, pour découvrir des mûriers : ceux du jardin, complètement dépouillés, n’étaient déjà plus que des squelettes d’arbres. On finit par trouver un enclos, planté de mûriers, et, comme on ne pouvait pas laisser mourir de