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le second rang du collier

faim toute cette vermine, on le loua, très cher.

Les élèves profitèrent admirablement ; ils engraissaient de jour en jour, on ne savait plus où les mettre. Mon père fut dépossédé de l’atelier, où on les installa ; mais ils augmentaient toujours ; encore une fois la place manqua. Un menuisier dut, toutes affaires cessantes et au prix qu’il voudrait, confectionner de grands châssis en bois dans lesquels se superposeraient des étagères. Les vers à soie furent enfin convenablement logés. Ils étaient maintenant gros comme le doigt et dévoraient des monceaux de verdure, autant que plusieurs vaches. Du seuil de l’atelier on les entendait brouter : on pouvait se croire dans une étable.

Tout était en désarroi à la maison ; les bonnes devaient, plusieurs fois par jour, gagner l’enclos des mûriers, grimper sur des échelles et emplir de feuilles des paniers.

On déjeunait et on dînait sommairement, quand on pouvait : il fallait nettoyer les étagères, enlever les déchets ; c’était interminable ; souvent ma mère ne se couchait pas.

Si, par malheur, il pleuvait, c’était alors un affolement général : car, avant de livrer les feuilles à la consommation, il fallait les essuyer soigneusement, la moindre humidité étant capable de donner le choléra aux intéressantes bestioles. Chacun devait s’y mettre : assis sur les marches de l’escalier, du matin au soir, on essuyait des feuilles.