Ce M. B…, homme fort aimable d’ailleurs, avait une haute idée de lui-même et se complaisait dans l’admiration de ses faits et gestes. Tout ce qui entrait dans son rayonnement, était mieux, plus beau, meilleur, que le commun des choses. Il avait une façon de dire : « J’ai mis mon vin dans mes bouteilles », qui annonçait l’énorme différence qui séparait cette boisson incomparable des liquides quelconques dont s’abreuvaient les autres mortels. « Son » café, surtout, l’exaltait : de toute évidence, il était unique, et M. B… seul avait eu l’heur de boire du café véritable. Il en parlait toujours à Théophile Gautier, quand ils se trouvaient ensemble au journal, lui en rebattait les oreilles. Pas plus que le roi Candaule, qui ne pouvait garder pour lui seul la connaissance de son trésor, il voulait être envié, entendre proclamer par un autre la supériorité de son bien, et il témoignait sans cesse le désir de faire goûter à son illustre collègue l’incomparable nectar. Il eût été simple, pour cela, de lui offrir un petit paquet des grains précieux. Mais M. B… affirmait que, s’il n’était pas préparé par lui-même, dans sa propre cafetière, le café n’aurait pas tout son arôme. Mon père se décida donc à l’inviter à un dîner du jeudi, lui, son café et sa cafetière.
Les convives, avertis de l’événement qui devait illustrer la fin du repas, étaient curieux de la voir arriver, et alléchés par le régal promis. Au moment