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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/272

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le second rang du collier

son, depuis son départ. Une Suissesse colossale, nommée Philomène, régnait sur les casseroles, quand je pris la direction du ménage. Elle était experte en son art, savait faire de la pâtisserie et des bombes glacées, tellement glacées même qu’elles ressemblaient à de petits icebergs et qu’il fallait les casser à coups de marteau.

Je pris mes nouvelles fonctions très au sérieux, m’y appliquant avec beaucoup d’attention, surveillant de près la cuisinière, et je réalisai, tout de suite, de sérieuses économies. J’avais la constance d’aller aux Halles avec Philomène, les jeudis matin, pour acheter, à meilleur compte et plus frais, le poisson, truite saumonée ou turbot. Je composais des menus variés, et mon père s’étonnait que l’on dépensât moins en mangeant mieux ; il me reprochait seulement de donner un peu trop d’importance aux desserts, sans doute parce que j’aimais beaucoup les sucreries.

Après plusieurs semaines d’alternatives de mieux et de pire, dans l’état de la grand’mère, un télégramme nous apporta la nouvelle de sa mort. Il fallut prendre le deuil.

Pour la première fois, nous étions complètement libres dans le choix de nos toilettes, et nous en profitâmes pour les commander à notre goût et fort élégantes.

Nous nous trouvâmes si bien, de ce régime nouveau, qu’on ne put réussir, plus tard, à nous y