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le second rang du collier

faire renoncer. Nous n’acceptions aucun conseil, nous ne subissions aucune influence, n’écoutant que notre fantaisie, ou les décrets de la mode, pour la façon de nos costumes. Mon père, qui nous voyait transformées à notre avantage, nous donnait raison, et, comme il était souvent sur la route de Paris, nous le chargions de commissions délicates, qu’il acceptait volontiers pour nous faire plaisir. Il avait dû pourtant, tout d’abord, se violenter pour vaincre la timidité qui lui faisait appréhender d’entrer dans les magasins. Il y entrait maintenant, comparait, discutait et s’acquittait toujours le mieux du monde de la mission. Une certaine guirlande de volubilis roses, que nous voulions avoir pour garnir un chapeau, l’obligea à beaucoup de marches et de contremarches : il ne la trouvait nulle part à son goût et fut obligé de la faire faire exprès. Une fois, ce fut à propos d’une ceinture qu’il tomba dans des perplexités : nous la désirions assortie à une robe de soie couleur peau de biche ; les deux pans devaient être terminés par une frange pareille à l’étoffe. Le fabricant demanda si la frange devait être « rapportée » ou tissée avec le ruban ; mon père, pris au dépourvu, ne sut que répondre : nous n’avions rien spécifié à ce sujet… Il hésita, réfléchit longtemps et crut apercevoir le moyen de se décider à coup sûr :

— De quelle façon est-ce le plus cher ? demanda-t-il.