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le second rang du collier

Mon père, assis sur l’herbe, le clos appuyé contre un arbre, est enchanté de ces deux vers qui pourtant ne valent pas grand chose.

— L’image est juste et la rime riche, dit-il.

Et il profite de l’occasion pour me gronder de ce que je ne m’exerce pas à faire des vers.

— Je t’assure que je n’ai aucune disposition : dès que je m’efforce, pour t’obéir, mes idées s’éparpillent comme une volée de moineaux et il m’est impossible d’en retenir une seule. Je ne suis préoccupée que de la rime et de la mesure… mais je n’ai rien à mesurer !… De plus l’hiatus ne me paraît pas si vilain, je serais tentée de trouver joli, et pas trop long, le fameux vers de Balzac :


Ô inca ! Ô roi infortuné et malheureux ! ! !


D’ailleurs, depuis quelque temps, j’ai une prédilection pour une sorte de poésie, toute spéciale, et plus difficile que toute autre, à ce qu’il me semble. C’est Mohsin-Khan qui m’a donné ce goût nouveau, en me récitant des vers de Kheyam, d’Hafiz ou de Saadi… C’est tout court, ces poèmes persans : un distique, un quatrain ; mais c’est parfait et complet, comme une perle ou un diamant. Même à travers la prose et la gaucherie du mot à mot, on comprend ce que cela doit être.

— Nous ne sommes pas des pourceaux : tu peux semer tes perles devant nous.