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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/291

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le second rang du collier

— Je ne les ai pas toutes recueillies dans un écrin, en voici une pourtant :


Un jour, je vis, en rêve, Iblis. C’était un beau jeune homme au front pensif, au regard lumineux.

— Comment se peut-il, m’écriai-je, qu’on te représente horrible à voir, avec des cornes et une queue ?…

Alors, Iblis eut un sourire doux et triste et me répondit :

— C’est parce que le pinceau est entre les mains de l’ennemi.


— C’est très beau, en effet, dit mon père, très profond, et cela forme un ensemble parfait auquel on ne saurait rien ajouter.

— Je préfère encore ce distique — de Saadi, comme le quatrain ; — celui-ci, c’est un diamant :


Je suis près de toi et je ne peux arriver jusqu’à toi.

Ainsi, dans le désert, le chameau mourant de soif, dont toute la charge est de l’eau.


Mon père est enthousiasmé, l’image lui paraît admirable : il voudrait traduire ce distique en vers français, mais le vocable « chameau » lui semble difficile à employer.

Mohsin-Khan est poète aussi. Il imite avec succès, dans le quatrain suivant, Orner Kheyam, l’ivrogne sublime :


Ô vin limpide ! Ô boisson lumineuse !
Je veux te boire tant et tant,
Que celui qui de loin m’apercevra s’écrie :
« Eh ! d’où donc viens-tu, seigneur le Vin ?… »