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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/295

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le second rang du collier

improvisation et que la mémoire du romancier, jadis si cher aux foules, soit privée de l’honneur imprévu d’un toi commentaire !

Cet adorable enjouement était un des plus grands charmes de Théophile Gautier, si chargé de soucis pourtant, si opprimé par la vie. Il lui arrivait bien de se plaindre, et ses lamentations étaient véhémentes, mais rares.

— Je suis jovial et bas bouffon, disait-il parfois, et, comme le grand Rabelais, je trouve que le rire est le propre de l’homme.

De loin en loin, nous entreprenions quelque grand travail, rangement de la bibliothèque ou classement de gravures ; nous étions bien vite lassées. Nous remettions tout en tas, et nous entraînions le père au salon pour l’instruire dans la connaissance de la grande musique. Il lui fallait s’asseoir près du piano et écouter la symphonie héroïque, ou la symphonie en la. Il allumait un cigare et se soumettait docilement. Si nous croyions surprendre chez lui le moindre signe de distraction ou un commencement de somnolence, nous changions immédiatement de thème, nous jouions J’ai du bon tabac ou Malbrough s’en va-t-en guerre, mais il n’était jamais pris et protestait tout de suite.

Quand il faisait beau, nous allions, l’après-midi, faire une promenade, presque toujours au Jardin d’acclimatation, dont une des entrées était tout