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le second rang du collier

les tissus flétris et faisait remonter les lignes du visage. Il se couvrait de bijoux ornés de pierres précieuses, diamants énormes, rubis, saphirs, surchargeait ses mains de bagues, mais on ne lui voyait jamais d’émeraudes. Une dame lui en fit un jour la remarque ; alors il défit la ceinture de son pantalon et fit voir à la dame, assez choquée, de superbes émeraudes qui boutonnaient son caleçon : il n’employait jamais cette pierre qu’à cet usage.

C’était à l’occasion d’une Exposition de chiens, organisée au Jardin d’acclimatation, que le duc était venu : il exposait de superbes molosses blancs, aux yeux bleu clair, qui ne se nourrissaient que de viande crue. En plein air, dans des compartiments, aux parois de toile, élevés sur des planchers, les chiens, de toutes races, étaient installés. Le duc de Brunswick était grimpé sur cette sorte d’estrade et nous apparut au milieu de ses molosses, admirablement placé là pour être vu. Il nous fit l’effet de Barbe-Bleue, avec son fard, ses lèvres peintes, ses sourcils férocement noirs, qui — détail bizarre et bien fait pour leur enlever toute vraisemblance — se terminaient sur les tempes en accroche-cœur !…

Ma sœur et moi, nous le regardions, les yeux écarquillés et, je le crois bien, la bouche béante. Cela le flatta sans doute d’être remarqué par des jeunes filles, et il voulut faire un effet, montrer sa juvénile agilité ; il s’élança de l’estrade, pour venir serrer la main à Théophile Gautier : sans le secours