Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
le second rang du collier

nous voir dès les premiers jours de notre installation à Neuilly et arrivait aussi pendant le déjeuner. C’était M. Robelin, un architecte, propriétaire de maisons. Il en avait à Paris, à Nevers et à Neuilly… Nous avions visité celles-ci, qui étaient nombreuses, et assez bizarres. Pris dans le mouvement littéraire de 1830, très enthousiaste de romantisme, Robelin avait voulu, lui aussi, être révolutionnaire et moyenâgeux et, pour cela, il avait conçu le plan de maisons pas ordinaires : des toits à pic, qui mansardaient presque tous les étages ; des tourelles en poivrières, dans lesquelles les escaliers avaient peine à tourner… Amusantes à l’œil, ces constructions, édifiées dans un espace restreint, étaient à peu près inhabitables.

Cela n’empêchait pas M. Robelin d’être un homme fort agréable, un peu avare peut-être, ou plutôt feignant de l’être pour masquer des revers de fortune dus à des traits de générosité qu’il tenait secrets, mais, en tout cas, un avare aimable, se blaguant lui-même et ne redoutant pas de raconter des traits de son caractère. Par exemple, il achetait ses souliers à la livre, dans un endroit connu de lui ; il boutonnait dix ans un veston de gauche à droite, avant de le boutonner de droite à gauche, ce qui lui faisait, disait-il, un habit neuf ; il se promenait tous les matins au bois de Boulogne et ramassait des branches mortes, dont il faisait des tas : plus tard, sa vieille bonne, Rosalie,