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le second rang du collier

il se rappelait avoir mangé des fritures de goujons et qui devait être assez proche.

On enfonça les avirons plus profondément ; la Seine se ridait et écumait sous une brusque rafale, qui ployait les arbres des rives et leur arrachait des feuilles. À travers les cinglements de l’averse, les éclairs et les coups de tonnerre, ce ne fut pas sans peine que le bateau, alourdi par l’eau qui tombait, vint enfin cogner contre l’embarcadère rustique de la maisonnette qui devait nous abriter.

C’était complet !… Nous étions dans un cabaret, attablées devant des consommations ! — car il avait bien fallu demander quelque chose, — tandis qu’à la maison on nous cherchait certainement avec inquiétude et colère !… Sans l’orage, on aurait pu ne pas s’apercevoir de notre absence : on aurait supposé que nous étions dans le jardin, c’était lui qui nous dénonçait et, de plus, nous bloquait dans cette auberge en augmentant nos appréhensions.

Nos deux complices n’étaient pas non plus très rassurés. Mais, au retour, ils nous débarquèrent à la hauteur de notre jardin et continuèrent leur route, — pour ramener le canot ; — ensuite ils fileraient, tout droit sur Paris, où on les attendait…

— Tâchez de vous tirer d’affaire ! nous cria Toto en s’éloignant.

— Mettez tout sur notre dos ! ajouta Rodolfo…

Des dos de fuyards, qui ne risquent rien !…