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le second rang du collier

Nous ne marchions pas très vite, en reprenant les sentiers couverts, entre les enclos.

— Il faudra tout de même finir par arriver ! disait ma sœur.

Mais je m’attardais, surtout pour réfléchir : une idée m’était venue, je croyais tenir un moyen de parer le coup.

— Écoute, si tu as le courage de recevoir seule le premier choc, pour me laisser le temps de faire quelque chose de très difficile, avant l’arrivée de papa, nous sommes sauvées.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Tu verras… Mais je n’ai pas une minute à perdre, il est déjà tard.

— Dépêchons-nous !

Et c’est en courant que nous faisons le reste du chemin. Moi, je grimpe, quatre à quatre, jusqu’à l’atelier, où je m’enferme. J’entends des éclats de voix, des cris, des portes qui claquent… Mais je me bouche les oreilles, je serre fortement les paupières, pour m’absorber dans une méditation intense, et, bientôt, je me mets à écrire.

C’est la première fois que je m’essaye à la littérature, et ce début est fait bien légèrement ; pourtant je dois avoir mûri le sujet dans ma tête, car cela vient facilement, comme si je recopiais. Le morceau a pour titre : le Retour des Hirondelles. C’est une sorte de poème en prose, qui s’arrange tout seul en strophes ; après quelques pages,