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le second rang du collier

termes que la Bible. — Un prêtre, à Colmar, fit même un sermon contre l’auteur de ces impiétés, et en annonça un autre, pour le dimanche suivant. Un camarade de mon frère, qui habitait Colmar, lui révéla qu’il s’attaquait à une toute jeune fille, — qui ne portait pas encore de jupes longues, — et lui conseilla de retenir ses foudres.

C’était bien du bruit autour de ce pauvre article, sur lequel, malgré tous ces encouragements, je ne me faisais pas d’illusions, et que, à part moi, je jugeais mal réussi, gauche, sec, et d’une désolante concision.



Ma sœur et moi, nous sommes dans la chambre de ma mère, en grande toilette, devant l’armoire à glace, et nous nous regardons attentivement. Je suis vêtue d’une robe en damas noir et gros bleu, épais comme le doigt ; la jupe ne touche pas terre et se tient si raide que je parais plus large que haute ; un « talma » en velours noir, bordé de vison, me donne une silhouette de cloche ; ma figure disparaît sous l’avancée d’un chapeau, genre cabriolet, en feutre noir garni de rubans verts. Ma sœur porte une robe en popeline écossaise et une petite redingote de velours noir, qu’une étroite bande d’hermine orne tout autour ; une houppe de plumes noires surmonte sa capote.