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le second rang du collier

Nous dînons chez l’illustre Giulia Grisi, cousine germaine de ma mère, et celle-ci, qui d’ordinaire se préoccupe peu de notre tenue, a voulu tout diriger, cette fois, pour que nous soyons très bien. Elle nous a habillées et coiffées elle-même. Aussi nous sommes prêtes trop tôt, tandis qu’elle est en retard.

Solennellement, nous descendons l’escalier, pour attendre en bas, et, comme nous avons trop chaud sous nos manteaux, nous sortons dans la cour.

Alors nous nous regardons, ma sœur et moi, et nous pouffons de rire.

Un peu amer, tout de même, ce rire, qui raille nos splendeurs, sur lesquelles nous n’avons aucune illusion. Nous nous sentons parfaitement ridicules et comiques : c’est ennuyeux d’aller divertir les autres.

— Tu as tout à fait l’air des singes mécaniques qui dansent sur les orgues de Barbarie.

C’est moi qui fais ce compliment à ma sœur.

— Oh ! oui ! c’est cela ! s’écrie-t-elle.

Et elle se met à danser en secouant la houppe de son chapeau.

— Toi, à quoi ressembles-tu ?… Un sac…

— À cause de l’affreux manteau : sans lui, avec ma robe raide comme du carton, je rappelle ces laides bonnes femmes de Velasquez, qui ont des jupes comme des commodes… Tiens ! ça doit être très bien pour « faire un fromage » !…