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le second rang du collier

le paysage de Saint-Victor, c’est Gustave Claudin.

— Gustave Claudin, un paysage ?…

— C’est très simple : un ami, un disciple qui, par son âge ou sa situation de débutant, a tout naturellement, auprès de vous, sa place au second plan… Il vous accompagne dans vos visites et vos promenades, vous sert de fond et vous fait ressortir… Il vous donne adroitement la réplique, afin de vous fournir l’occasion de briller. On s’appuie sur son bras pour discourir. C’est quelque chose comme le confident de tragédie, personnage très ingénieusement inventé et fort agréable dans la vie réelle. Il veille sur vous, vient au-devant de vos désirs, vous évite toutes sortes de petits ennuis : c’est lui qui fait signe à l’omnibus, règle avec le cocher de fiacre, entre au débit de tabac allumer son cigare pour vous donner du feu, et risque sa tête dans les loges de concierge pour demander si les personnes sont chez elles… Quand on a goûté du paysage, on ne peut plus s’en passer : il n’a pas de volonté, vous consacre tout son temps, va où vous voulez aller et se retire, en vous remerciant, quand vous avez assez de lui !

— Mais c’est un terre-neuve, le paysage ! Quel avantage a-t-il à se dévouer comme cela ?…

— Un avantage inappréciable : il est admis dans l’intimité d’un homme supérieur à lui ; il jouit de conversations charmantes, s’amuse et s’instruit en même temps… Moi, quand j’étais en Russie, j’avais