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LE COLLIER DES JOURS

de ce jour, tous ses efforts tendirent à obtenir une représentation de Tristan avec le concours de Schnorr. Mais il s’écoula encore des années avant que le beau rêve se réalisât, et ce fut par l’intervention du royal ami, de l’archange si miraculeusement survenu, et dont le glaive flamboyant réduisait en cendres tous les obstacles et faisait libre la route vers l’idéal.

Ces premières représentations de Tristan à Munich furent un des événements artistiques les plus mémorables. Ceux à qui il avait été donné d’y assister en gardaient un souvenir éblouissant, une langueur nostalgique. Un tel chef-d’œuvre réalisé avec une telle perfection !… Aussi quel admirable accord, pendant les répétitions, entre le Maître et l’interprète !

Jamais le plus maladroit des croque-notes, chanteur ou instrumentiste, n’aurait consenti à se laisser donner par moi des instructions aussi minutieuses que ce héros du chant qui, spontanément, atteignait à une telle maîtrise. L’apparence de la plus légère insistance dans mes indications était accueillie par lui avec le plus joyeux empressement, car il en comprenait le sens aussitôt : de sorte que j’aurais cru vraiment manquer à mon devoir, si dans la crainte de blesser sa susceptibilité, je m’étais abstenu de lui exprimer une observation, si minime qu’elle fût. Mais la cause de cette disposition, c’est que la compréhension idéale de mon œuvre était venue à