Aller au contenu

Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
LE COLLIER DES JOURS

donc de rendre hommage à un artiste de génie et de lui tendre une main fraternelle.

Tandis que Louis II, au palais de Munich, attendait avec une impatience joyeuse l’arrivée de Richard Wagner, un courtisan, voulant flatter le souverain, lui dit :

— Des hommes d’un génie égal à celui de Wagner reviennent sur la terre tous les mille ans.

« Un homme d’un génie égal à celui de Wagner, répondit le roi, n’était pas encore venu au monde, et il n’en reviendra aucun, jamais.

Et Louis II, au grand scandale de sa cour, descendit précipitamment l’escalier d’honneur, pour aller au-devant de Richard Wagner.

Cette rencontre fut peut-être une des plus touchantes, des plus belles heures de l’histoire. Wagner en garda une impression féerique :

« Ce roi est si beau, d’une intelligence si noble, et d’une âme si splendide, disait-il, que j’ai peur que sa vie ne passe à travers ce monde vulgaire comme un rêve des Dieux… Il connaît tout de moi et me comprend comme ma propre âme. Il veut me débarrasser de toutes mes misères, m’aider à accomplir mon œuvre !… »

On sait cependant que, malgré sa puissance