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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

et son vouloir, le roi ne parvint pas à réaliser jusqu’au bout ses désirs. L’archange ne put vaincre le dragon, que couvrait l’impénétrable cuirasse faite de l’imbécillité humaine. Le glaive s’émoussa sur cette carapace épaisse, la couronne faillit s’y briser : la haine et la fureur des philistins contre un artiste de génie s’enfla, cette fois, jusqu’à l’émeute ; on hurla dans les rues, on cassa les vitres de la demeure du Maître, qui, pour ne pas perdre l’ami royal s’acharnant à le défendre, feignit de se séparer de lui et quitta Munich.

Si le chef d’État, douloureusement, dut reculer devant la tempête populaire, l’ami ne céda sur aucun point et resta fidèle à sa foi.

Dans cette retraite de Tribschen qu’il se créa alors, à jamais délivré des honteux tracas qui souillent l’esprit, grâce à son royal ami, Wagner n’eut plus que de hautains soucis, et, dans le recueillement et la paix, il acheva les Maîtres Chanteurs et se remit à l’Anneau du Nibelung


Le train souffle, halète, s’efforce, pour grimper la pente raide qui, sans interruption, monte de Lindau à Munich. Nous sommes haut déjà, car des flocons de nuages traversent notre wagon.