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Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/225

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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

lunettes, au milieu de l’éparpillement d’or de sa barbe et de ses cheveux : il semblait avoir perdu la faculté de parler. Quant à Scheffer, assis dans un coin, il tiraillait doucement les oreilles de son chien blotti entre ses jambes et contemplait d’un air béat l’hôte glorieux…

Wagner supporte, à ce qu’il semble, ces nouvelles épreuves avec une admirable sérénité : il a comme une cuirasse de bonheur que les coups du sort heurtent désormais sans la traverser, et ce groupe de disciples à la foi ardente paraît former un rempart autour de son cœur.

Très gaiement, il me donne des nouvelles de Tribschen et du trouble que les aventures de Munich y ont apporté. Le lendemain de la répétition générale, il leur était venu, par hasard, beaucoup de visiteurs : une de ses sœurs avec son mari et sa fille, un éminent sanskritiste, professeur à l’Université de Leipzig, un philologue de Bâle, — c’était Nietzsche — : on était donc nombreux au dîner de deux heures. Ce dîner fut interrompu dix fois par l’arrivée des dépêches : le maître se levait pour aller écrire la réponse ; à peine était-il revenu et réinstallé devant son assiette, qu’une autre missive lui était remise et le forçait à s’absenter de nouveau.