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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

vécu sous Louis-Philippe — . Grands, droits, tout vêtus de noir ; lui, en redingote, haut cravaté de satin ; elle, en robe plate et mate, avec à peine au col un liseré de linge ; des figures maigres, des teints bilieux ; rien de folâtre… Nous sommes un peu déconcertés… Bah ! la voix du Maître sonne, rieuse : il est de bonne humeur, tout ira bien. Courage !

Pan !… pan !… pan !

Richter attaque au piano une ouverture fantaisiste où des motifs de Tristan et Iseult se mêlent à des airs exotiques. On écarte les draperies.

Une jeune Chinoise brode sous la lampe ; mais cette vertueuse occupation et cet aspect tranquille sont trompeurs : des passions véhémentes agitent son âme. Elle est mariée à un homme qu’elle déteste, d’abord parce qu’elle le déteste, et aussi parce qu’il appartient à la race conquérante : c’est un Tartare. Elle attend son amant, qu’elle adore, et qui est un vrai Chinois, celui-là.

L’époux est endormi, la nuit profonde ; l’amant guette, dans l’ombre. C’est l’heure de donner le signal : elle ouvre la fenêtre et agite son écharpe. Au piano, le deuxième acte de Tristan.