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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

allemand, lui, est patient, paisible, il absorbe consciencieusement ce qu’on lui présente, mais manifeste très peu son sentiment : rien de plus froid, de plus morne, que certaines salles de spectacle, où des dames en robes de laine emplissent les loges.

— Et, pour ne pas perdre leur temps au théâtre, s’écrie le Maître avec indignation, elles y apportent leur tricotage !…

Avec une curiosité respectueuse, nous regardons, autour de nous, l’intérieur du temple, dont la somptuosité grave et enveloppante contraste si vivement avec la simplicité grise de l’extérieur. Le salon est assez vaste ; il occupe tout un angle de la maison et ses fenêtres s’ouvrent sur deux parois. Il baigne dans une pénombre chaude et reposante, entre ses murs recouverts d’un cuir fauve traversé d’arabesques d’or ; un épais tapis étouffe les pas ; les fenêtres sont drapées de lourdes portières de velours, dont les plis traînants s’amassent sur le sol. Un magnifique portrait de Beethoven domine le grand piano à queue, il est placé en face d’une glace qui le reflète, et, sur les deux autres panneaux, Gœthe et Schiller se font vis-à-vis. Au plafond pend une lampe de bronze. Un large