Aller au contenu

Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
LE COLLIER DES JOURS

Nous sommes, à présent, au centre même du bruit, et c’est comme dans une effroyable bataille. Le sifflement des milliers de balles, qui cinglent l’air sans discontinuer, produit sur le tympan l’effet le plus bizarre : on se croit enveloppé d’un réseau de fils de fer, vibrants, qui se croisent, s’enchevêtrent, forment un treillage, et l’illusion est si complète que l’on n’ose plus avancer, de peur de heurter ces fils.

Des hangars partagés en boxes, orientés dans différents sens, divisent la plaine, et, dans chaque box, des hommes affairés chargent hâtivement des carabines qu’ils passent au tireur, aperçu de dos, visant une cible lointaine.

Inconscients, nous nous laissons pousser dans un des boxes, et, là, un Suisse, avec la familiarité cordiale qui convient dans un pays libre, crie quelque chose à l’oreille de Villiers, qui n’entend pas. Mais on lui met entre les mains une carabine, et le voici, à son tour, épaulant et visant longuement.

Que s’est-il passé ? On n’a pas entendu la détonation, à travers le tintamare ; mais une agitation, une émotion joyeuse éclatent tout à coup, et, là-bas, la cible, mue par un ressort,