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Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/85

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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

— À présent seulement, je comprends cette félicité du paradis, si vantée par les croyants : voir Dieu face à face !…

Le soleil couchant allumait un ciel d’apothéose quand le bateau stoppa à la station dernière. Le lac, il me semble, finissait là, et le petit port où nous abordions s’appelait, je crois, Treib, d’où l’on monte à Seelisberg.

J’ignorais tout de la vie antérieure de Richard Wagner ; je ne savais rien de sa condamnation politique, de son exil et de son long séjour dans ce pays où il nous conduisait ; je n’avais aucune idée des épreuves qu’il venait de subir, des déchirements qui avaient précédé pour lui l’heure présente, l’accalmie consolatrice, le renouveau sentimental, ce temps heureux enfin pendant lequel j’avais le bonheur de le rencontrer si plein de joie, d’énergie et de sérénité.

Je fus donc d’autant plus surprise — délicieusement surprise — par la scène qui suivit son débarquement. Avant qu’il eût mis le pied sur la rive, il avait été reconnu. Aussitôt un rassemblement se forma : les bateliers, les habitants, les gens du peuple accoururent et, avec un enthousiasme extraordinaire, acclamèrent Richard Wagner,