Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/120

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Elle eut beaucoup de peine à écarter les dents serrées du blessé ; mais dès que la première goutte de la liqueur eut glissé jusqu’à sa gorge, il but avidement et parut se ranimer.

Ses yeux se rouvrirent, troubles et las, sans regard encore.

Gazileh avait rejeté son voile, elle se penchait, guettant avec anxiété ce lent retour à la vie. Mais, tout à coup, la pensée revint dans ce regard ; le visage du mourant, crispé par la souffrance, se détendit ; un sourire entr’ouvrit ses lèvres, et il contempla Gazileh avec une expression si ardente de joie et d’amour qu’instinctivement elle ramena les plis de son voile.

— Puisqu’il t’a vue ! dit Nahâr.

Le blessé avait joint les mains.

— Merci, seigneur Christ, dit-il : vous avez exaucé mon vœu, vous faites un miracle pour votre soldat !…

— Ce n’est pas votre Dieu qui fait le miracle, dit Nahâr, mais bien Allah, le très grand. C’est lui qui a conduit près de vous la femme unique qui, au lieu de pierreries et de parures, porte, en voyage, des drogues et des baumes dans son coffret à bijoux, estimant que trop de rubis déjà