Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/179

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Raschid ed-Din s’avança Vers la jeune fille, l’enveloppant d’un regard avide ; l’assouvissement de ce désir de la voir, si longtemps dompté, lui apportait une émotion nouvelle, tellement intense qu’il fut un moment incapable de parler. Un apaisement lui vint ensuite, un sentiment de bien-être et de repos, une détente des nerfs, un rafraîchissement délicieux, comme doit l’éprouver la terre desséchée après le bienfait d’une pluie d’orage.

Oppressée sous le poids de ce regard, Gazileh baissait les yeux, et, doucement, la houle de son sein faisait bruire son collier d’or.

— Approche, jeune fille, dit enfin Raschid, en tendant la main vers elle comme pour l’attirer. Je veux obtenir mon pardon, car j’ai manqué de courtoisie : absorbé par les soins de la guerre, n’ai-je pas paru oublier l’adorable princesse qui embellit mon palais ?

Et Gazileh, redevenue calme, répondit d’une voix qui ne tremblait pas :

— Que suisse, seigneur, pour occuper, même une minute, l’esprit qui commande au monde et à qui Dieu révèle les mystères du ciel ?

— Ah ! Gazileh ! s’écria Raschid avec passion,