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Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/213

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l’aime peut-être… C’est pour lui un arrêt de mort. Mais, avant de le faire disparaître, je l’aurai envié, j’aurai subi cette honte d’être jaloux d’un homme !… Non ! non ! à tout prix, il faut me délivrer de cette obsession.

— Hâte-toi de renvoyer Gazileh à son oncle, dit Dabboûs : l’éloignement amènera l’oubli.

Mais Raschid, abaissant ses paupières sur ses yeux, brûlés de larmes, dit, d’une voix qui tremblait :

— Entre elle et moi il faut l’impossible, l’irrémédiable ou jamais je ne l’oublierai. Hélas !… je dois briser la coupe, répandre l’ambroisie dont je suis avide… pour rendre ma soif vaine à jamais.

— Que veux-tu dire ?… s’écria Dabboûs en frissonnant.

— Gazileh doit mourir.

— Prends garde, dit le chambellan après un silence. Certes, au prix de ton repos, la vie d’une femme est peu de chose, et le crime de s’être montrée sans voile à un infidèle justifierait sa condamnation. Mais ce n’est pas au nom seul de la justice que tu la condamnes.

— Elle doit mourir, répéta Raschid.

— Tu n’es plus un juge impartial.