Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/212

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— Va, va, laisse-moi, dit Raschid. Tu as bien agi, et, puisque tu es impatient de la mort, je te promets d’obtenir de Dieu qu’il abrège ta vie de dix années.

Dabboûs revenait. Le prophète lui fit signe de mettre fin aux audiences.

— Non ! non ! plus personne, dit-il.

Le chambellan, effrayé, s’élança vers son maître :

— Quelle nouvelle funeste vient-on de t’apprendre qui te bouleverse ainsi ?

— Ah ! toujours cette folie, qui déjà me couvre d’humiliation ! s’écria Raschid. Peux-tu le croire, Dabboûs ? je suis trahi, dédaigné. Cette femme élue par mon cœur, qui pouvait être plus glorieuse qu’aucune reine du monde, au premier venu, à un soldat franc, elle dévoila sa beauté et demande assistance contre moi !

— La femme est toujours la femme, de quelque séduction que le diable l’ait parée.

— Elle s’est laissé voir ! Un autre regard que le mien possède son image ! Un autre amour se heurte à mon amour ! Ah ! je le sentais bien, qu’il y avait un obstacle, qu’elle ne m’aimerait pas. C’est ce chevalier qui occupe sa pensée. Elle