Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vos pensées, sire, dit Guillaume, sont hautes, et sages, mais si abondantes en votre esprit qu’elles se pressent en tumulte quand elles veulent passer par vos lèvres.

— Admettons que c’est pour cela, dit Amaury en souriant. Allons, Hugues, j’attends. Si je parle mal, en revanche, j’excelle à écouter et j’aime par-dessus tout les histoires.

— Mais, seigneur, je ne sais laquelle dire.

— Eh bien, redis-nous ton entrevue avec le calife d’Égypte, quand tu fus envoyé par nous en ambassade pour confirmer le traité de paix.

— J’obéis, sire, dit le jeune homme en saluant le roi.

Il se recueillit un instant, tandis que tous s’installaient à l’aise pour l’écouter, ou penser à autre chose.

Il commença, avec un peu d’emphase, sans élever la voix :

— « Nous étions au Caire, dans la salle du trône, tout emplie de gens d’armes et de princes païens, lesquels murmuraient, sourdement, scandalisés qu’ils étaient de notre présence et de la volonté que nous avions de voir le calife en personne. Cela à peine est permis aux plus nobles d’entre