Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/252

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dait ; mais les gais chanteurs chantaient leur chant d’oiseau et ne disaient aucun nom.

Il s’avança encore, s’enfonçant dans la forêt mélodieuse, ému, haletant. Quand, las de la course, il avait soif, les fruits se penchaient vers sa bouche, et c’étaient des coupes, creusées dans une pierre, précieuse, pleines d’exquises liqueurs, qu’il savourait délicieusement. Une fois, pourtant, exténué, il entr’ouvrit ses lèvres pour boire encore, et, au lieu du fruit au frais breuvage, une divine jeune fille tendit ses lèvres a son baiser. Elles souriaient à demi, veloutées comme les pétales des roses, tout emperlées et plus embaumées que la fleur. Elles le grisaient, le fascinaient, et, peu à peu, il se rapprochait, plein de frissons, avide de la brûlure et du rafraîchissement qu’elles promettaient. Cependant, avec un cri, dans un effort douloureux, il se déroba, fit à sa bouche un bouclier de sa main.

Alors, dans les branches de l’arbre d’or, l’oiseau roi, à pleine voix, chanta ; il redit enfin le nom oublié : « Gazileh ! Gazileh ! » Et, après lui, toute la forêt le proclama.

Le cœur du jeune homme se dilata à se rompre, sous le sanglot heureux de son amour délivré,