Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/274

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— Tu me pardonnes ! Vraiment ? dit Raschid. Eh bien, moi, je le condamne, non pas à mourir : c’est trop doux et trop prompt, la mort. Je te condamne à vivre. Vous croyez m’échapper, n’est-ce pas ? Elle a renié sa foi ; vos âmes sont d’accord, toutes prêtés à s’envoler ensemble dans l’éternelle félicité ! Non, non : elle seule va mourir, et toi, vivant, tu la pleureras. D’après tes croyances, le suicide te séparerait d’elle, en te damnant : tu vivras donc, et la jeunesse me répond de la longueur du supplice,

— Oh ! grâce ! s’écria Hugues en se laissant tomber à genoux. Faites-moi mourir avec elle !

Gazileh, vivement, s’élança vers lui, le releva.

— Courage, mon bien-aimé, dit-elle ; ne t’abaisse pas à de vaines prières, ne ploie pas le genou devant le bourreau. L’éternité est à nous. Dieu nous attend et t’abrégera la peine.

— Gazileh ! emporte mon âme sur tes lèvres ! cria-t-il avec un sanglot.

Elle se jeta dans ses bras, lui tendit sa bouche, la haussant jusqu’à son baiser.

Pour la première fois le pâle visage du prophète s’empourpra sous l’excès de la fureur :

— Séparez-les ! cria-t-il d’une voix qui épou-