Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enveloppé dans un manteau blanc, qui se confondait avec la robe de son cheval couleur de lait, il montait, montait de pic en pic ; éperonnait l’ardente bête que d’ordinaire un mot, dit tout bas, suffisait à diriger. Elle hennissait d’inquiétude devant la folie du cavalier, dilatait ses naseaux bleuâtres, éparpillait au vent de la course les fils soyeux de sa crinière, tandis que des étincelles jaillissaient du roc sous ses fins sabots.

De loin, dans les village accrochés aux flancs des monts, ceux qui apercevaient le prophète, gravissant ainsi les hauteurs inaccessibles, se prosternaient et lui adressaient leur prière matinale. Ils disaient en se relevant : « Un dieu seul peut ainsi courir dans des sentiers où aucun cavalier ne saurait avancer, même au pas. »

Déjà la neige des suprêmes sommets volait sous les pieds du cheval, toujours excité par l’éperon ; mais, brusquement, l’animal s’arrêta, frémissant sur ses jambes raidies, qui semblèrent s’incruster dans le sol glacé. L’abîme était à deux pas. De ce côté, le haut pic s’achevait en une cassure brusque.

Raschid resta là, immobile. Le vent avait rejeté