Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/294

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— Noble évêque, dit Raschid, j’ai pour ton grand esprit, ton savoir et la droiture de ton âme, la plus profonde estime ; j’ai été vivement touché de l’opinion flatteuse que tu as maintes fois proclamée pour ma personne et je ne voudrais pas t’attrister en vain. Mais, aujourd’hui même, un grand nombre des vôtres, attirés par de vulgaires séductions, viennent d’abjurer le Christ et de se donner à moi. Je te les renverrai, ajouta-t-il, parlant au roi ; ne cherche pas à savoir leur nom. Évitez tout sujet de division, restez unis. Une guerre cruelle se prépare contre vous, car Salâh ed-Din rassemble ses forces pour une lutte suprême. Il recherche mon alliance ; mais, tant que tu vivras, roi Amaury, je jure de ne rien conclure avec lui. Crois-moi : je te parle d’un cœur ami ; ne hâtez pas votre perte. Pardonne aux soldats du Temple. Je te les rends, sans vouloir aucune rançon.

— Merci, seigneur, dit le roi, très ému. Vos nobles paroles me troublent profondément. Elles touchent à une plaie vive, qui me ronge sans cesse. Vous n’avez que trop raison, hélas ! et, malgré mon ressentiment, je suivrai vos conseils.