Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/295

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Brusquement, le prince de Hama, défait et tout en larmes, s’élança d’un pas incertain.

— Raschid, cria-t-il, ai-je rompu la paix, moi ?… Peux-tu me reprocher la plus légère faute contre toi, en action ou même en paroles ? Qu’as-tu fait de l’otage précieux que je t’ai confié ?… Où est mon enfant bien-aimée ?

— Il l’a tuée ! criait Hugues de Césarée, qui, hors de lui à la vue, du meurtrier, avait tiré son épée.

Homphroy, suppliant, le retenait à pleins bras.

— Tuée ! ma fille ! murmurait le roi.

Raschid ed-Din, les yeux fixes, comme accablé de douleur et de honte, baissait la tête.

Dabboûs alors s’approcha de lui :

— Debout, dans ton orgueil intact ! mon fils, lui dit-il à demi-voix. Mon devoir était de te sauver de toi-même. Par un ordre signé de toi, le blanc-seing que tu m’as jadis confié, l’ordre inique a été suspendu. Le sang d’une colombe a trempé la ceinture de l’innocente.

— Gazileh ! vivante !… murmura Raschid, prêt à défaillir.

— Courage maintenant, khalife de Dieu ! Ce que j’attends de toi doit être digne de ta grandeur.