Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
LE CAPITAINE FRACASSE.

lière, et qui ne trahissait aucune fatigue, elle franchit l’escarpement assez roide et gagna le sommet du tertre. Debout sur l’élévation, elle promena quelque temps autour d’elle ses yeux pour qui l’ombre ne semblait pas avoir de voiles, et, n’apercevant que l’immensité solitaire, elle mit deux de ses doigts dans sa bouche et poussa, à trois reprises, un de ces sifflements que le voyageur, traversant les bois la nuit, n’entend jamais sans une angoisse secrète, bien qu’il les suppose produits par des chats-huants craintifs ou toute autre bestiole inoffensive.

Une pause séparait chacun des cris, que sans cela l’on eût pu confondre avec les ululations des orfraies, des bondrées et des chouettes, tant l’imitation était parfaite.

Bientôt un monceau de feuilles parut s’agiter, fit le gros dos, se secoua comme une bête endormie qu’on réveille, et une forme humaine se dressa lentement devant la petite.

« C’est toi, Chiquita, dit l’homme. Quelle nouvelle ? Je ne t’attendais plus et faisais un somme. »

L’homme qu’avait réveillé l’appel de Chiquita était un gaillard de vingt-cinq ou trente ans, de taille moyenne, maigre, nerveux et paraissant propre à toutes les mauvaises besognes ; il pouvait être braconnier, contrebandier, faux-saunier, voleur et coupe-jarrets, honnêtes industries qu’il pratiquait les unes après les autres ou toutes à la fois, selon l’occurrence.

Un rayon de lune tombant sur lui d’entre les nua-